« Ne sauvons pas le système qui nous broie »
En mars 2009, les éditions Le Passager Clandestin publiaient un livre court et dense intitulé « Ne sauvons pas le système qui nous broie. Manifeste pour une désobéissance générale. »
Ce système nous a proposé jusqu’à maintenant d’accumuler, de vivre à fond dans l’avoir.
Et il a acheté notre complicité, alors que des êtres humains n’avaient
même pas la possibilité de vivre décemment. Cette misère s’étend à tout
être vivant. La terreur d’État, l’asservissement industriel,
l’abêtissement capitaliste et la misère sociale nous frappent toutes et
tous. Insidieusement et continuellement, ces forces néfastes divisent
notre être intime. Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à
être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que
ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent
difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce
dont ils ont été complices chaque jour travaillé ?
[…]
Au
moment où la perspective de l’implosion du système capitaliste devient
enfin plausible, dans la mesure où la consommation, qui semble la
condition de son maintien, est en train de chuter, il s’agit
d’accompagner son effondrement et de s’organiser en « communes » qui
privilégient l’être à l’avoir – parce qu’il n’y a plus
rien à attendre de l’État, comme le montre l’analyse des démocratures
sud-américaines qui suit –, et offrent la possibilité à chacun d’entre
nous d’accéder librement – en limitant dans la mesure du possible les
échanges d’argent – à la nourriture, au logement, à l’éducation, et à
une activité choisie.
[…]
Ne
soyons pas naïfs, le système politique en place a déjà construit sa
réponse. Il s’est doté en France (aux États-Unis et dans la plupart des
pays d’Europe) depuis les années 1980 d’une législation spéciale dite
antiterroriste qui l’autorise à se passer désormais de la « justice ».
Dans le même mouvement, il a déjà effectué le transfert de ses moyens de
sa main gauche à sa main droite : de la main qui soigne à celle qui
punit, des services sociaux et hospitaliers aux bons soins de la police
et de la prison. Nous sommes entrés, déjà, dans une période
d’interpellations arbitraires, de comparutions immédiates suite à des
manifestations, ou encore de condamnations à des amendes
disproportionnées. Comme l’indique l’ouvrage Big Brother Awards. Les surveillants surveillés
(2008), l’heure est au fichage généralisé effectif par l’interconnexion
des fichiers, de celui de la Sécurité sociale à ceux de la police, et à
la criminalisation de toute prétendue déviance, en France comme en
Europe.
[…]
« Nous
sentons bien qu’une nouvelle sorte de régime politique, insidieusement,
se met en place. Quand, à l’heure du laitier, un journaliste est
brutalement interpellé chez lui, devant ses enfants ; quand des enfants
innocents sont arrachés de l’école et renvoyés dans leur pays
d’origine ; quand une association caritative est condamnée à de lourdes
amendes pour être venue en aide aux sans-abris ; quand… » Tel est le
constat de Jacky Dahomay, professeur de philosophie à la Guadeloupe,
démissionnaire du Haut-Conseil à l’Intégration.
[…]
Les
États engagent aussi une course effrénée au « capitalisme vert », à
cette écologie à la Al Gore, qui espère ou prétend que nous pouvons
sortir de tous les gouffres à la fois – écologique et économique,
financier et social – en devenant tous de bons petits citoyens écolos,
capables de réduire leur consommation, de se serrer la ceinture et de
laisser nos élites actuelles continuer à nous diriger, et à voyager en
avion de congrès en symposium. Il faudrait dans ce cas que tout se passe
sans heurts et que nous réprimions la montée de nos envies
contestataires, au nom de la survie du vaisseau planétaire… que nos
élites elles-mêmes conduisent dans le mur.
[…]
Les
personnels des services sociaux se retrouvent face aux mêmes
contraintes, en gros gérer – c’est bien de cela qu’il s’agit – le
cheptel humain défavorisé avec des moyens de plus en plus réduits. Ces
fonctionnaires comprennent bien désormais que c’est sur leur humanisme
et leur dévouement que l’État compte pour faire passer ses propres
mesures antisociales. C’est un réalisme du pire : « On ne peut pas faire
mieux et ça pourrait bien être pire. » Réalisme de pacotille, mais
formidablement efficace dans un contexte catastrophiste de prétendue
guerre économique, de restriction des subventions et des crédits sociaux
tous azimuts.
[…]
La réponse à apporter se dessine d’elle-même : non-coopération radicale à partir de maintenant avec le pouvoir.
Refusons dès maintenant d’appliquer les lois et de mettre en œuvre la
politique qu’il nous impose, que nous soyons fonctionnaire, cheminot,
enseignant, policier, magistrat, élève ou étudiant, ou encore que nous
travaillions dans le privé, car là aussi nous devons appliquer des
politiques ignobles, cela dans à peu près tous les secteurs, y compris
dans l’édition, prétendu bastion culturel.
[…]
En
France, la situation est très favorable à l’extension de la
désobéissance généralisée. Elle se développe d’ailleurs chez tous ces
professeurs ou directeurs d’établissements scolaires qui refusent
d’appliquer les directives gouvernementales, à commencer par celles qui
concernent le fichage administratif et policier des élèves, ou encore
l’installation de dispositifs biométriques pour contrôler l’accès aux
cantines. Cette désobéissance est aussi celle des autoréducteurs qui
récupèrent gratuitement dans les supermarchés des marchandises qu’ils
redistribuent aux pauvres et aux sans-abri qui en ont un besoin
impérieux. Et elle est en germe ou fleurit dans nombre de luttes des
sans-abri, dans la lutte permanente des squatteurs, dans le mouvement de
1995 et dans l’embrasement de 2005. La désobéissance se généralise sous
nos yeux !
[…]

Pour télécharger le texte intégral (version électronique) Click ici :
source : http://www.lepassagerclandestin.fr
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